Le biais du favori - outsider

 

Comme j’ai pu l’évoquer dans l’article sur la théorie des perspectives, les individus ont tendances à surestimer les faibles probabilités et sous-estimer les fortes probabilités, c’est ce qu’on appel dans les paris sportifs le biais du favori – outsider ou favourite longshot bias en anglais, c’est-à-dire que généralement, l’espérance de gain net associée aux favoris est supérieur à celle associée aux outsiders. Les parieurs vont donc souvent sous-estimer les probabilités de gagner des favoris (cotes basses) et surestimer les probabilités de gagner des outsiders (cotes hautes).

Pour mieux comprendre ce que cela implique prenons deux exemples :

  • Tout d’abord un exemple avec un parieur qui va surestimer les probabilités (ou chances) de gagner d’un outsider de 5 %. La Probabilité réelle de l’outsider de remporter le match serait de 20%, la cote devrait donc être de 5. On aurait donc pour une mise de 100 €   un gain net de 400 €  (1 – cote x la mise) dans 20% du temps et un gain net de -100 € dans 80% du temps.

Avec une espérance (E) de gain nul pour ce pari   E = (0.2 x 4) + (0.8 x -1) = 0

Au lieu de ça, le parieur surestime l’outsider de 5%, la probabilité subjective est alors égale à 25 %, le parieur va donc accepter de miser sur une cote de 4. On aura donc dans ce cas pour une mise de  100 €  un gain net de 300 €  (1 – cote x la mise) dans 20% du temps et un gain net de -100 € dans 80% du temps.

Avec une espérance (E) de gain négative pour ce pari   E = (0.2 x 3) + (0.8 x -1) = – 0.2

On constate que le fait de surestimer les probabilités de gagner de l’outsider de 5 % seulement (ce qui pour beaucoup de parieurs débutants notamment pourrait sembler dérisoire est en réalité catastrophique pour votre BK sur le long terme si cette erreur était souvent répétée) oblige le parieur à avoir une espérance de gains négative.

  • A contrario, prenons l’exemple d’un parieur qui lui sous-estimerait les probabilités de gagner d’un favori de 5 %. La Probabilité réelle du favori de remporter le match serait de 80%, la cote devrait donc être de 1.25. On aurait donc pour une mise de 100 €   un gain net de 25 €  (1 – cote x la mise) dans 80% du temps et un gain net de -100 € dans 20% du temps.

Avec une espérance (E) de gain nul pour ce pari   E = (0.8 x 0.25) + (0.2 x -1) = 0

Mais comme le parieur sous-estime les probabilités de gagner du favori de 5%, la probabilité subjective est alors égale à 75 %, le parieur va donc accepter de miser sur une cote de 1.33 (arrondi). On aura donc dans ce cas pour une mise de 100 € un gain net de 33 €  (1 – cote x la mise) dans 80% du temps et un gain net de -100 € dans 20% du temps.

Avec une espérance (E) de gain positive pour ce pari   E = (0.8 x 0.33) + (0.2 x -1) = 0.064

Ici, le fait de sous-estimer les chances de gagner du favori de 5% amène le parieur à avoir une espérance de gain net positive.

Résultat de différentes études sur le sujet

Ce constat a été observé dans de nombreuses études sur le comportement des parieurs sportifs, les premières apparaissent avec un chercheur nommé Griffith (1) en 1949 sur les courses de chevaux, il étudie un panel de 1 386 courses, courues aux Etats-Unis en 1947, elles continues  dans les années 70 et 80 avec toujours comme conclusion que l’espérance de gain net associée au groupe de chevaux ayant les chances de gagner les plus fortes (favoris) est  supérieure à l’espérance de gain net associée au groupe de chevaux ayant le moins de probabilité de gagner (outsiders). Ces conclusions vont montrer aussi qu’en ajoutant la marge prélevée par le book, miser sur les chevaux ayant les plus petites cotes permettrait d’obtenir une espérance de gain net positive, cela indique donc une sous-évaluation des probabilités de gagner des chevaux affichant les cotes les plus basses et une surévaluation de ceux ayant des cotes hautes. Griffith en conclut qu’un parieur neutre au risque devrait logiquement miser son capital sur les favoris et non sur les outsiders.

En 1956 un autre chercheur, Mc Glothlin (2), va lui aussi s’intérésser aux courses de chevaux, mais sur un échantillon beaucoup plus large avec 9248 courses, Il constate comme Griffith qu’après rajout de la marge du book, il serait possible d’obtenir une espérance de gain net positive de 8% en pariant sur des chevaux avec une cote faible et qu’elle deviendrait très négative, -10% sur des cotes supérieures à 9.

Au final, des années 40 jusqu’aux années 80 plusieurs chercheurs se sont penchés sur ce sujet et en cumulant toutes leurs observations sur des courses de chevaux (environ 30 000) on constate que les pertes sont beaucoup plus significatives pour les paris sur des cotes hautes.

L’analyse des courses de chevaux s’est ensuite étendue aux autres sports dont les paris ont émergé un peu plus tardivement. Plusieurs chercheurs ont analysé les matchs de football à l’image de Law et Peel (3). Ces derniers analysent un échantillon de 2 855 matchs joués en Angleterre durant la saison 1991-1992, et montrent que ce biais n’est pas simplement présent sur les paris 1×2, mais également sur les scores des matchs. De fait, en misant sur des scores dont la probabilité d’occurrence est élevée (cote faible), un parieur obtiendra un R.O.I moyen supérieur à celui procuré en misant sur des scores dont la probabilité d’occurrence est faible (cote élevée).

Un autre chercheur Brycki (4) en 2009, fournit une étude détaillée des matchs de football, regroupant l’ensemble des matchs de Premier League et League Championship, disputés en Angleterre de 2000 à 2008. Il dispose notamment des cotes proposées par plusieurs books comme : Bet365, Bwin, William Hill, etc… Sur l’ensemble de son échantillon, il observe que parier sur les favoris permet d’obtenir un R.O.I moyen (-2,46%) supérieur à celui obtenu en pariant sur les outsiders (-9,58%). Il constate même que sur certaine saison, il était possible de dégager un profit en pariant sur les favoris notamment en 2006-2007 (1,03%) et 2007-2008 (1,74%) alors que ce n’était pas possible pour les outsiders.

 Sur le Tennis En analysant 5 892 matchs joués entre 2001 et 2004, Forrest et McChale (5) en 2005 observent que sur l’ensemble de l’échantillon, le R.O.I associé aux favoris est positif (2,1%) alors qu’il est négatif (-12,9%) dans le cas des outsiders. On constate donc qu’aux travers de toutes ses recherches que plus la cote est faible et plus le R.O.I attendu par les parieurs sera élevé, ce qui démontre la présence du biais favori outsider.

Enfin pour d’autres sports, ce biais a aussi été observé sur des échantillons dans le cadre du basketball  et du golf, de la boxe, du cricket, des courses de chiens et du snooker, le R.O.I moyens sur les mises des favoris étant supérieur à ceux des outsiders. Toutefois, ces résultats doivent être pris en compte avec précaution en raison du faible nombre d’observations dans leur étude.

Tentative d'explication du biais du favori - outsider

De nombreux chercheurs ont tenté d’expliquer à la fois l’existence de ce biais ainsi que les raisons qui poussent les parieurs à jouer alors même que dans la quasi-totalité des situations, ils ont une espérance objective de gain net négative. L’une des raisons évoquées dans certaine étude est l’excès de confiance des parieurs, il se traduit par la tendance à surestimer ses propres capacités, compétences ou connaissances. Ce comportement n’est pas seulement visible chez les parieurs mais aussi chez toute la population.

Bruce et Johnson (5) en 1992 expliquent que les parieurs sont en quête de reconnaissance et cherchent à se faire remarquer par leur capacité à trouver les vainqueurs. Ces derniers sont d’autant plus estimés qu’ils arrivent à dénicher des outsiders. Ils seront alors amenés à surestimer leur aptitude à dénicher les vainqueurs parmi les outsiders même si ces derniers ont moins de probabilité de remporter la victoire.

L’optimisme est également utilisé pour tenter d’expliquer la difficulté d’évaluer les chances de gagner d’une équipe outsider. L’optimisme à contrario de l’excès de confiance, est indépendant de la manière dont un individu perçoit ses propres capacités ou connaissances et peut se définir comme la tendance à appréhender l’issue d’un événement (dans le cadre des paris sportifs, d’un match) d’une manière plus favorable qu’elle ne l’est en réalité. L’optimisme pouvant être encore plus présent si l’on parie sur son équipe de cœur, que l’on supporte.

Enfin une autre explication serait la recherche de sensations, le parieur serait un individu prêt à prendre des risques uniquement dans le but de ressentir quelque chose de nouveau, et donc enclin à payer pour le simple fait de jouer.

Conclusion

L’existence du biais favori outsider est réelle. Quel que soit le sport étudié, courses de chevaux, tennis, football, etc…, l’espérance de gain associée aux favoris est supérieure à l’espérance de gain net associée aux outsiders (parier sur le favori n’implique pas forcément d’être un parieur gagnant néanmoins il s’avère plus rentable que de parier sur l’outsider sur le long terme). Bien sur cette stratégie sera d’autant plus rentable si vous pariez sur les bookmaker.com avec une marge moyenne de 3 à 4 % contre les bookmakers Arjel qui appliquent une marge moyenne de 15 %. Je vous recommande également d’essayer de mettre au point une méthode d’analyse la plus objective possible (surtout si vous pariez sur les outsiders) afin d’éviter d’être soumis aux raisons du biais favoris outsider tel que l’excès de confiance ou l’optimisme notamment. De plus il ne faut pas oublier que les bookmakers ont connaissances de ce biais, et peuvent en profiter dans certains cas pour appliquer la plus forte partie de leur marge sur l’outsider.

(1) Griffith R.M. (1949), « Odds Adjustments by American Horse-Race Bettors », American Journal of Psychology, vol. 62.

(2)McGlothlin W.H. (1956), « Stability of Choices among Uncertain Alternatives », American Journal of Psychology, vol. 69

(3) Law D. et Peel D.A. (2009), « Betting on Odds on Favorites as an Optimal Choice in Cumulative Prospect Theory », Economic Bulletin, vol 4.

(4) Brycki J. (2009), « Statistical and Economic Tests of Efficiency in the English Premier League Soccer Betting Market ».

(5) Forrest D. et McHale I. G. (2005), « Longshot Bias: Insights from the Betting Market on Men’s Professional Tennis » in L. Vaughan Williams and R. Sauer (eds.), Efficiency of Betting Markets, Cambridge University Press

(6) Bruce A.C. et Johnson J.E.V. (1992), « Toward an Explanation of Betting as Leisure Pursuit », Leisure Studies, vol. 11.